A l’occasion de la sortie de Comment j’ai tué sept personnes avec une agrafeuse le 4 juillet prochain, je vous propose un petit aperçu du début de l’histoire :)
Du 29 juin au 3 juillet, vous pourrez donc découvrir chaque jour un nouveau petit chapitron du roman.
Bonne découverte bigsmile
Présentations
— Il va falloir que vous éclairiez un peu ma lanterne.
— Avec plaisir.
— Je dois vous avouer que ça fait longtemps que je n’avais pas vu un tel carnage.
— Je suis désolé, vraiment.
— Vous n’y êtes pas allé avec le dos de la cuillère…
— Je vous l’ai dit, c’était une agrafeuse.
— À voir les corps, on dirait que c’était… autre chose.
— Je vous assure que…
— Ouais, ouais. Reprenons depuis le début. Votre nom.
— Huguetin Bienassis.
— Oh, vous êtes de la famille des Bienassis de Tournebrise ?
— Rien à voir. Les Bienassis de Tournebrise sont des venteurs. Est-ce que j’ai une tête de venteur ?
— Ne le prenez pas mal. C’est une interrogation légitime.
— Admettons. Mais évitez de me comparer à ces… ces…
— Calmez-vous, enfin ! Date de naissance.
— Le 38 octembre de la 58e année verte.
— Je vous aurais donné plus.
— J’ai un travail pénible.
— C’est pour ça que vous avez craqué et commis ce…
— C’est bien plus compliqué que ça, vous savez.
— Non, je ne sais pas. Et j’attends que vous me le racontiez. Enfin, finissons les formalités. Lieu de naissance.
— Vertevallée-sur-Nidepoule.
— Oh, c’est charmant comme coin. J’y étais justement allé en vac… Aucune importance.
— Les touristes, on en voit. Pire que les cafards.
— On parlera tourisme une autre fois. Lieu de travail.
— Vous le connaissez, mon lieu de travail. Vous en revenez.
— J’ai besoin que vous l’énonciez de manière claire. Pour l’enquête.
— Quelle enquête ? Je me suis rendu, l’enquête est bouclée, non ?
— Il reste des éléments très nébuleux. Lieu de travail.
— La Fabrique des Sept Couleurs au 42 rue des Grenouillettes.
— Situation familiale.
— Veuf.
— Oh, je suis désolé.
— Moi aussi.
— Bien. On en a fini avec ça. Donc allez-y, racontez-moi tout.
— Quoi, juste comme ça ?
— Un souci ?
— Disons que je viens vous voir pour vous dire que j’ai tué sept personnes. Et vous, tout ce que vous trouvez à me dire, c’est que je vous raconte comment je l’ai fait.
— Eh bien ?
— Eh bien, vous n’essayez même pas de comprendre mes motivations. Peut-être que j’ai des circonstances atténuantes.
— Vous en avez ?
— Et pas qu’une !
— Racontez-moi depuis le début alors.
— Depuis le tout début ?
— Enfin, ne remontez pas trop loin non plus.
— Donc vous, en gros, vous voulez que je vous raconte, mais sans trop vous ennuyer. Je suis déçu.
— Vous m’en voyez navré. Et donc ?
— Et donc, il faut que je remonte loin pour que vous compreniez tout.
— Très bien, allez-y.
— Ah non, mais si vous soupirez…
— Je soupire parce que je viens de passer ma pause déjeuner à farfouiller dans un carnage. Et je peux vous assurer que c’était tout sauf ragoûtant.
— Merci, je suis au courant.
— J’attends toujours. Si vous faites traîner encore, la bande enregistrante va se finir et on va devoir en demander une nouvelle. Et ça, ça va prendre des plombes.
— Et donc c’est ma faute, si votre équipement est dépassé ?
— Pas votre faute directement. Mais si vous pouviez vous bouger, je vous en serais très reconnaissant.
— Vous savez, moi, je suis venu ici plein de bonnes intentions. J’aurais très bien pu vous laisser chercher par vous-même.
— Et si on vous avait attrapé, la discussion qu’on aurait eue aurait été autrement moins amicale.
— Pour ça, il aurait fallu que vous m’attrapiez. Et j’ai entendu dire que votre taux de réussite n’était pas au sommet.
— Vous savez ce qu’il vous dit, mon taux de réussite ?
— Sûrement que vous ne mettez pas beaucoup de personnes derrière les barreaux.
— Vous…
— Mais on n’est pas là pour parler de ça.
— Tout à fait. Vous étiez sur le point de me dire comment vous aviez tué ces sept personnes.
— Comment, vous le savez déjà. Avec une agrafeuse. C’est au pourquoi que vous devriez vous intéresser.
— Je ne fais que ça. Pourquoi avez-vous fait ça ?
— C’est une longue histoire.
— C’est ce que je craignais.
— Vous savez, si vous n’aimez pas ce que vous faites, il est encore temps de vous réorienter.
— J’aime ce que je fais. La plupart du temps.
— Pas aujourd’hui, on dirait.
— Pas aujourd’hui.
— Avouez que c’est à cause de moi.
— Disons que vous êtes un peu un meurtrier et que je dois vous interroger. J’ai connu des journées meilleures.
— Pourtant, vous devriez aimer ça, non ? Interroger les meurtriers.
— J’aime beaucoup. Surtout quand ils me parlent tricot.
— Vous tricotez ?
— Non.
— Dommage. Vous seriez plus détendu.
— Pourquoi les avez-vous tués ?
— Parce que j’étais stressé.
— Pardon ?
— Non, mais dit comme ça, forcément.
— Vous pouvez le dire autrement ?
— Je pourrais, Mais ça impliquerait de raconter toute l’histoire.
— Et elle est vraiment longue ?
— Vraiment.
— Bon, allez-y alors.
— Ah bah, quand même !
— Et donc ?
— Et donc cette histoire a commencé à Vertevallée.
— Vertevallée ? Je croyais que c’était là que vous étiez né.
— C’est ça. Je vous ai dit que cette histoire remonte à un petit moment.
— Quoi, vous allez me refaire toute votre biographie ?
— Vous voulez l’histoire ou pas ?
— Non, mais il n’y a pas moyen de passer tout ça ?
— Vous savez, avec tout le temps que vous passé à essayer de ne pas m’écouter, je vous aurais déjà tout raconté.
— J’en doute. Vous avez l’air de vous faire plaisir à me faire tourner en bourrique.
— C’est vrai. Mais vous avez une tête qui l’encourage aussi.
— Ça expliquerait tous les enquiquineurs que je me ramasse.
— Vous n’avez jamais envisagé la chirurgie esthétique ?
— Non.
— Vous devriez. Donc pour en revenir à l’histoire…
— Ah non, trop tard. Vous m’excuserez, mais on reprendra cet interrogatoire une autre fois.
— Pardon ?
— Il faut que j’y aille.
— Que vous y alliez ?
— C’est ça.
— Où ça ?
— J’ai à faire.
— D’autres meurtriers ?
— Pas vraiment.
— Quoi alors ?
— Vous allez rire.
— Je ne suis plus à ça près.
— J’ai un cours de…
— Un cours de quoi ?
— Un cours de dentelle.
— De dentelle ?
— Aux fuseaux.
Merci d’avoir suivi ce chapitron et à demain pour la suite !